Le trône de l’été – La légende arthurienne 2

La Dumnonie est le royaume le plus civilisé de Bretagne, mais en janvier, ses étendues du nord-est ne semblent pas plus soumises que les paysages sauvages de la Calédonie. Les champs sont recouverts de neige et seules les éteules pointent timidement au-dessus des congères. Le ciel s’est vidé de sa couleur et semble peser de tout son poids sur la terre. Au-delà des terres cultivées – ou, comme c’est le cas pour ma famille, de l’autre côté de la rivière Fromm – la forêt s’étend sur des miles, tel un nuage de plomb posé sur l’horizon, un entrelacs de branches sombres, de neige immaculée et de silence habité par le souffle haletant des loups. En été, les hommes et les femmes ignorent la forêt. Il faut s’occuper des champs et aller vendre au marché le produit des récoltes : les bœufs tirent la houe, les chevaux les charrettes. Mais en hiver, les terres sauvages par-delà la rivière hantent les esprits. La vie est comme endormie et les histoires de fantômes, qui prêteraient à rire à la saison des récoltes, semblent soudain terriblement crédible : l’humanité et la civilisation paraissent en effet bien minuscules et fragiles face à l’océan de froidure.