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Première publication in Faeries 11 – Été 2003
Devant les hordes impatientes de lecteurs qui ont fini la lecture du premier tome de Sardequins, nous nous sommes résolus à poser quelques questions à son auteur au sujet de son univers et de ses écrits. Rendez-vous est pris pour une interview-petit déjeuner, sur une terrasse du cours Mirabeau, en ce beau matin de printemps provençal.
• Tes premiers travaux d’écriture ?
Philippe Monot : À 13 ans j’avais commencé un premier roman qui s’inspirait du Club des Cinq. J’avais écrit aussi un scénario de B.D., une histoire du genre post-apocalyptique. J’ai tout perdu. C’est peut-être pas plus mal, d’ailleurs.
C’est à la fac que j’ai vraiment commencé à écrire sérieusement. J’avais commencé l’écriture d’un jeu de rôles, mais j’ai vite abandonné les règles pour me consacrer au développement du background et de l’histoire. C’est ainsi que le cycle de Todasiana a vu le jour. C’est une histoire qui se déroule entre un monde imaginaire et celui de l’Europe du XVIIe siècle. Le personnage principal est Chrisostôme Marthanasius, un littérateur qui a réellement existé, même s’il est un peu occulté dans l’histoire de la littérature. Il s’était fâché avec Voltaire et ça, ce n’était pas une bonne chose si l’on souhaitait passer à la postérité.
• À l’écriture de Frère Aloysius et le petit prince, avais-tu déjà en tête de continuer avec une saga qui se déroulerait dans le même univers ?
P. M. : Non, pas du tout. Mais à la fin de l’histoire on se retrouve devant une ouverture assez tentante : Aloysius et Béthorne sont parvenus à retrouver les souvenirs du monde, celui-ci se révèle et tout est à redécouvrir. J’ai pensé que ça méritait d’être raconté d’une façon ou d’une autre, et c’est ainsi qu’est né le projet de Sardequins.
• Pour Sardequins, avais-tu le nombre de tomes précis, le découpage des actions, l’enchaînement parfait des événements, ou tout s’est-il construit au fur et à mesure ?
P. M. : Au départ, je pensais faire un seul volume. Mais l’histoire s’est développée au fur et à mesure des pistes que je trouvais, des éléments que je jugeais dignes d’intérêt. Les Sardequins sont des personnages très complexes, et leurs ambitions doivent rester floues le plus longtemps possible – ça permet aux autres personnages, comme aux lecteurs, de demeurer dans l’expectative. Pour le premier volume j’avais plusieurs idées de départ, mais pas de plan. Je suivais les personnages dans leurs aventures, tout en faisant connaissance avec eux, et je veillais à mettre en place une intrigue que je ne maîtrisais que partiellement à ce moment. Pour le deuxième volume, les personnages me sont maintenant familiers et j’utilise un plan très détaillé pour les faire évoluer.
• On sent dans ton écriture de fortes influences à l’œuvre de Jack Vance. En outre, tu as beaucoup travaillé à la redécouverte de son œuvre en France : un dossier complet dans Faeries 4, l’anthologie-hommage Sur les Traces de Cugel l’Astucieux, et tu viens de signer une préface à la réédition du cycle de Lyonesse chez Folio-SF…
P. M. : Je considère Jack Vance comme mon maître spirituel. Ce sont ses romans qui m’ont poussé à écrire. C’est un conteur de génie. L’ensemble de son œuvre est une ode à l’imaginaire, à l’aventure et à la liberté. La réédition de Lyonesse est un événement important pour la Fantasy. Ce cycle n’était plus disponible depuis bien dix ans, et je suis heureux d’avoir pu accompagner sa reparution en tant que préfacier.
Quant aux influences… Nécessairement, il y en a. Mais je pense qu’elles se trouvent surtout dans le ton. Vance m’a appris à faire vivre un décor par les dialogues, le contraste entre langage cru et soutenu, une teinte de ce british humor hérité de P.G. Wodehouse…
• On a eu l’occasion de lire quelques nouvelles de toi dans les pages de Faeries, peut-on également en lire ailleurs ?
P. M. : Oui, j’ai écrit deux nouvelles qui se déroulent dans un cadre particulier que je nomme les Chroniques d’un Nouveau Monde. Il y a d’abord « Capitaine Providence » et je viens de finir « Fœtus de Jhunn aragne sur canapé de vers nourrisseurs » (Beurk) qui paraîtra prochainement dans un hors-série de Lanfeust Mag. J’ai aussi écrit une autre nouvelle qui se déroule toujours dans ce monde-là et qui traite des bardes, mais qui n’a pas encore été publiée. Et j’en ai encore quatre ou cinq en tête… J’aimerais les compiler pour un futur recueil.
• Peux-tu nous en dire plus sur ces Chroniques d’un Nouveau Monde ?
P. M. : Il s’agit de notre planète, dans un futur indéfini où l’Histoire humaine est lacunaire, où on reconstruit des civilisations, des pays, sur la base de lambeaux de souvenirs. La plupart des personnages recherchent la mémoire du passé ; c’est un sujet qui me tient à cœur. D’autres se contentent de survivre, tel le capitaine Tibère « Providence » Valiante, ou Lens Alitra, le chasseur d’Engeance que l’on découvrira dans Lanfeust Mag.
• Comment conçois-tu les nouvelles ?
P. M. : De façon nettement plus structurée que pour les romans – cela ne signifie pas que les romans n’ont pas besoin de structure, loin de là. Mais pour la nouvelle, il faut aller à l’essentiel, très vite. Mise en place de la problématique, déroulement, conclusion. C’est inévitable, car le nombre de signes est compté, dans la plupart des cas. Je me permets cependant, et c’est là le plus délicat, d’enrichir mes nouvelles de cadres qui dépassent largement l’histoire, parce que je n’envisage pas d’écrire sans situer mes personnages dans un monde précis.
• Le cycle Sardequins comptera combien de tomes ?
P. M. : A priori, trois. Mais j’aimerais terminer toutes les parties prévues pour le tome deux et vérifier ce qu’il reste à développer.
• Quelques éléments du tome deux, en exclusivité ?
P. M. : Euh… Bon. On va voir la mère de Ruth, Liah Dana Aklerus à l’âge de dix ans, croisant Léandre qui en a treize. On va suivre le Panarque de l’Église adjitienne œuvrant à la préservation de sa sainte institution, flanqué malgré lui d’un nouveau Sardequin, Leenel Danque. On va voir l’armée adjitienne évoluer vers les Terres Libres pour guerroyer contre les Husan, Ruth essayer de survivre dans une arène labyrinthique, Nestor se souvenir de bien trop de choses concernant son passé, Léandre retrouver une amie d’enfance… On va voir l’Abbaye Noire à l’œuvre, on va faire des allées et venues dans le royaume de Bapaius le roi-fée, à son grand désarroi. Et non, on ne verra plus d’Artagnan courir après son bidet jaune.
• Le mot « Sardequins », d’où vient-il exactement ? Il sonne un peu comme « sandestin », mot, une fois encore inventé par Jack Vance.
P. M. : En fait, ça sonne effectivement comme « sandestin », mais aussi comme « Arlequin Sardonique ». Cependant, l’étymologie inventée « Sahdë Qelinn », signifie « à la façon des dieux » – et c’est cela le plus important : les Sardequins n’ont rien d’autre à faire dans l’univers que de devenir des dieux, quand bien même la notion de divinité leur échappe. Dans le tome deux, Tancrède Jarel propose d’ailleurs à Winifed Vamuche ce cruel constat : « Chaque chose dans l’univers a sa fonction, son utilité, son importance. Chaque chose, chaque être. Sauf nous. » Bien entendu, ils trouveront, bien malgré eux.
• Pourquoi « l’Arlequin Sardonique » ?
P. M. : Arlequin a toujours été pour moi un personnage d’une grande puissante, un moteur créatif à lui tout seul. Rien à voir avec la Commedia Dell’Arte. Il faut remonter au XIIIe siècle pour voir apparaître le chef d’une Cohorte de la Nuit nommé Hierlekin – sa horde, appelée la Maisnie Hierlekin, est constituée d’une bande de démons dépenaillés hurlant pour faire peur aux vivants. Charmant personnage, non ? Hierlekin est quant à lui, l’archétype du Berserker, fou, cruel, déstructuré de corps et d’esprit. Son costume en est une preuve flagrante, fait de lambeaux de tissus criards. Arlequin symbolise le Chaos, et en ce qui me concerne, le Chaos est le riche terreau de l’imaginaire.
• Bon alors à quand Sardequins II ?
PM : Maieuh ! Je pourrais probablement rendre une copie avant la fin de l’année. Entre les deux Sardequins, j’ai eu beaucoup de choses à faire qui m’ont considérablement ralenti dans mon travail d’écriture. Il y a eu l’anthologie Sur les traces de Cugel l’astucieux qui m’a pris presque un an de travail, alors que j’aurais préféré écrire sur Sardequins. J’ai fait la préface de Lyonesse pour Folio-SF, j’ai écrit des nouvelles… Le temps que je peux consacrer à l’écriture est limité, car j’ai mon boulot de libraire qui, finalement, me prend beaucoup de temps. Et puis je suis accroc à Diablo (Oh pas bien pas bien). Mais ca y est, j’arrête : j’ai réussi à monter mon assassin au niveau 50. Ça me suffit.
• As-tu d’autres projets éditoriaux après Sardequins ?
P. M. : Je voudrais développer ma nouvelle « Capitaine Providence » et en faire un court roman. Je vais écrire d’autres nouvelles dans le cadre des Chroniques d’un Nouveau Monde. J’ai aussi en projet un roman de Space Opéra ainsi qu’une saga en collaboration avec Nicolas Cluzeau – entre aventures maritimes et Fantasy. Je ne perds pas de vue le cycle de Todasiana dont j’ai parlé plus haut, et enfin, pour compléter le tableau, l’aventure B.D. me tente énormément.
Propos recueillis en printemps 2003 par Chrystelle Camus, parus dans Faeries 11
Note : depuis la parution de cette interview en été 2003, le tome 2 de Sardequins : Guerre et fées est paru. Philippe Monot a continué à travailler sur la suite de sa série qui se transformait progressivement en trilogie puis en tétralogie. Hélas, son décès survenu en 2019 mettra définitivement fin à la richesse incroyable de son univers, en plus de laisser un vide immense.
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